dans le vent débridé de ta course effrénée mon bassin s’ajuste à la vague j’ai tout laissé derrière nous la selle la bombe les bottes et les bonnes manières je m’accroche à ta crinière je m’en remets à toi et dans ta joie tu veilles à l’équilibre de mon poids
entrer dans la zone jonction au cœur de la matière énergie de vie primaire nucléaire
à présent ton esprit voyage librement dans la cavité de mon crâne déserté ton être s’étend à mes propres cellules je vole dans l’euphorie de ta fugue ma peau baigne dans les eaux de ton effort enchanté je brûle de l’air dilatant tes naseaux ton sang afflue le long de mes veines
ton corps indistinct du mien c’est le nôtre nous sommes centaure centauresse libre et puissant puissante ivresse
le faitout soupire
dans la chaleur des fourneaux
son couvercle se soulève
doucement lévitant
suspendu au vide
un temps en suspens
son ventre gonflé se relâche
se gonfle et se relâche
libérant dans l’expire
la vapeur brûlante d’un petit volcan
somnolent
je le regarde respirer
mû par la mécanique régulière
d’un diaphragme imaginaire
soudain un bruit sourd déchire l’espace immobile
novembre s’effeuille
calme scintillant au temps des chimères
végétal la leurre délicieusement
d’une caresse réveille la joie
senteur de vie
et si respirer qu’en suspens
la chute du riz
la chute la rupture
un pan de vie qui bascule
des milliers de grains éparpillés
une mer grumeleuse et des cœurs désarmés
les cœurs éclatent
les cœurs confus dans l’air compact
s’éparpillent en mille grains colorés
des grains d’émoi dispersés
la chute du sang la sentence tombe
le passage s’ouvre les larmes coulent
bah voilà
les larmes coulent le cœur en crue
les larmes coulent le sol inondé
entre deux eaux
diluées
larmes de sang
sang de passage
la mémoire de l’eau accompagne
ce jour carmin
à l’aube de sa féminité
mémoire de femme mémoire de cycles
savoir de femme pouvoir de sang
beauté sacrée
tintement de l’aurore diaphane
cristaux épars de lueur naissante
piqûre de l’hiver embué
jeune pianiste dans l’indifférence anonyme
teinte la cramine aurorale de ses doigts chamarrés
doigts modulent les ondes
dans la grâce d’une courbure inversée
et charrient les ombres aux chairs tourmentées
jeune pianiste insoucieux de la ligne des regards
ondoie sous la caresse des notes en cascade
réveillant la souvenance de territoires délaissés
soudain la lame indomptée de ses doigts
avale les octaves ahuris
et déferle sur la foule engourdie
l’accablant jusqu’au rivage syncopé de l’acmé
tacet – l’afflux demeure
accordant les corps encordés
encore étourdis et dénudés
piano se meurt délaissé
fendant l’espace de la foule en reflux
jusqu’au point givré du motus impromptu
créature rivée au sein fouille la voie lactée du bout des doigts
l’immaculée distend les parois de l’espace fœtal
et pulvérise les repères solitaires
entre les mains son poids
chargé du pouvoir qu’il engendre et le risque d’en disposer
fausse légitimité
enfant propriété enfant miroir
fantasmatique enfant fantomatique
donner la vie
la préserver sans l’obérer
don de la vie
vertige
une vie confiée
il n’est plus
il ne connaît plus son âme saoule et malade adirée dans son étang de bourbe
son monde est une vallée sans joie et l’horizon s’arrête là
pour lui l’amour est un caprice une obsession de bonne femme et la douceur une émasculation
il tient bon avec son air renfrogné ses sourcils pliés sur le nez
et ses relents de méchanceté qui lui tordent la bouche
il s’accroche
on ne fera pas de lui un gentil
encore moins un heureux
subito
le jaune le rose le blanc précèdent le vert tendre
seuls les enfants nous montrent le chemin de notre propre fin
ils apprennent à marcher à parler
ils découvrent chaque matin une nouvelle pensée
qui les porte et les taraude jusqu’au lendemain
allants confiants
ils s’élèvent sans tarder
et nous et moi
que reste-t-il de nos journées
qu’ai-je rendu à la lumière
ma vie de détails de petits riens
d’amour et de colère d’espérance et de chagrins
rien de tangible
faut-il créer
alléger le poids de la douleur
se battre pour la terre
changer le plomb en or
et pourtant
l’or est déjà là
un astre dansant dans le creux de mes mains
l’élan gracile d’un enfant en joie
un troupeau de talons qui claquent
talons aiguille et talonnettes
cliquetis sur l’asphalte
la rumeur des mots crânes
jetés là en douce
enfle les rires mécaniques
en ovation fantastique
ignorance servile et tapageuse
la belle vaniteuse
berce ses enfants sages
au rythme sirupeux
de sa marée contagieuse
va et vient hypnotique
de sourires pathétiques
épouvantes et paroles d’évangile
rivalisent de tyrannies exquises
voguez voguez
et sauvez les apparences
aux visages synthétiques
sous la lame la chair résiste glisse et s’écrase farineuse fondante presque timide l’odeur du soleil sur ma joue je goûte au calme dominical
à l’extrême frontière ils chantent
sur le ciel opale
murmuration d’étourneaux
farde le vent d’encre
du bout des lèvres perce ma prunelle
une inconnue ma sœur
soulève le vent hors de ma boîte et balaie l’ordinaire
jusqu’aux confins des rires éblouis
plume sur l’eau frissonne et ricochets sept.. plouf !
nage dans le courant glisse sur la pierre entre les orteils la glaise
cailloux s’enfoncent et s’effacent sous mon poids
chute et nage éclats de rires ricochent
jeux d’enfants insouciants savourent l’élixir de leur printemps immortel
éclats de voix éclaboussures souffle solaire matière première
elle a fondu
sur le bitume
le jour de ses douze ans
tremblante transhumante transparente
sur le bitume carrés de sucre – un deux trois
blancs blanche chaîne d’urgence en urgence
elle a fondu
tour à tour relais entre elle et l’eau elle et l’insuline
roue de vie rouler la vie ensucrer son mal
au Portugal sur le bitume noir blanc vert accro dextro
pour elle retenir ses larmes
mal de voiture c’est pas si grave
c’est sa fille
sur le bitume
au creux du platane
dans la tiédeur de l’alcôve
les merles sont là
virtuoses se cachent
sous le feuillage délicat
du bambou chantant
Attends maman !
Avrada-cadabra ! plouf
porte haut et tombe et transperce
bombarde l’univers trouble le voile déchire l’espace avale le vent
et s’immerge d’un bloc sans ombre dans les eaux froides et confuses
fracas
innocences détruisent et jubilent
Attention je suis là ! Bombe bombe atomique !
forces brutes à la lueur de sa flamme
Attention !
il tombe et détruit
Maman ! Tu me suis ou pas ?
sourire quiet l’accompagne
lumière d’orage
et l’aube s’éveille dehors dedans
et ouvre un œil
l’horizon fuit sur sa ligne
se jouant du regard engourdi entre deux plis
fil d’or grêle et hypnotique pour seule amarre
fêlure gracile préservant de justesse l’équilibre duel
dans son sillon
court l’écume ténébreuse grondante et cotonneuse
et menace d’un baiser monochrome
la jeune endormie encore vêtue de nuit
lumière d’orage
et s’ouvre l’infini porté par les vents
livrant au jour en éveil
le secret de leurs ébats
à l’heure neuve de l’astre naissant
d’une candeur incandescente
soupirants s’évanouissent effaçant l’antécédent
jusqu’au souvenir de leur rencontre galante
lumière d’orage
et soupir en suspens
avant que je n’expire
une orbe déambule sur l’asphalte
diffuse et délicate à peine visible
dansant sur sa ligne serpentine
elle trace à l’encre évanescente
les signes d’une écriture fée
méandres ton sur ton
d’une errance sans attache
son ombre se fond dans l’air grisâtre
jeu de cache-cache
quand soudain la rappelant à elle
émerge du ciel sa raison d’être
et se volute doucement
en déroulant le temps
la belle radieuse
sur le dos des vents
éblouit tout son monde
dans sa robe empourprée
ultime éclat avant de choir
ultime envolée avant de s’évanouir
dans l’ombre magnétique de sa suivante
en un point leur tombeau
le printemps est là
bien avant
et nous trop loin