corps noir à la sorgue

face à face impromptu
déflagration muette à l’oreille sibilante
le sifflement lui sature les sens lui strie la raison

la foudre sur elle s’abat incandescente
à contre-jour d’un autre temps
elle exaspère ses circuits
sans prise à la terre
sature ses nerfs brûlés à blanc

les dés sont jetés
pas d’échappée pour l’ingénue

les genoux ploient le pouls s’emballe
le poil se hérisse le sang fourmille
forêt d’aiguilles électriques piquent la chair
de ses terres vierges aux vertus charbonnées

gravité inversée de son corps en peine
dans la boîte noire de cette nuit parisienne
face à face obsédant
elle chancelle à la frontière obsidienne

du rêve atomique aux vapeurs fantasmatiques
elle s’exile
et ta main dans la sienne s’efface
mirage d’une vie d’un autre temps

hors-champ

m’a avalée me tient dans son ventre me nourrit m’encense ou me dédaigne
clément ou despote alternant sans logique il sait qui suis à qui suis

laisse-moi parler ! dit-il

fébrile fouille creuse rassemble les fragments de raison éparse les vestiges de ma foi adirée
remue dans son ventre réveillant sa colère
ses traits tordent ses lèvres pressent son regard charbonné consume l’atmosphère pétrifiée dans l’odeur âcre de sa rage
puise sa force de ma terreur
grandis seule dans le mutisme de son antre
puise ma force de sa fureur et redoute
les aléas de sa démence
de son mépris naît ma grâce la certitude de mon être
je suis femme je suis mère
et l’univers s’ouvre dedans la nuit de ma fugue aurorale

serpent métallique oscille dans sa courbe
et traverse le temps
m’emporte me transporte me déporte

crispé dans une astreinte effrénée
l’esprit vide indifférent à mes suppliques
s’accomplit

somnole
envoûtée par sa mélodie étrange
grinçant couinant psalmodiant

animal docile
cahotant sur ses lignes
traverse l’espace
et file sur mes traces

il me traîne sans escale
vers les souvenances du passé
et réveille les corps absentés

le souffle vide vacille et puis plus rien

se fond se confond au décor lointain
et ronronnant me dépose
au bord d’un temps ancien

dans les racines du sacré le sang des bâillonnés
depuis une infinité de lunes endeuillées les eaux sombres s’écoulent hémorragiques
oiseau funeste – tu presses le pas sur ta ligne écourtée
aimer enfanter hasarder

être magnétique à la dérive
disséquer les chairs stupéfiées réapprendre à marcher déliquescence de l’être épuisé
tumeur. corps et âme empêtrés de terreur se tordent de douleur dans les vapeurs de cannabis à toute heure

je flotte au bout du fil à fleur de vie
flatulence de l’âme dérobée à la terre frelatée
tu flottes dans la pièce froide de cet hôpital
et déjà s’éloigne se répand dans l’air hibernal loin mes terres noires aux lunes amoncelées

tu meurs. orpheline en pleurs

sa rose rouge son trésor sur une planète solitaire dans son manteau de verre
il la laisse derrière lui
pour voir le monde celui des autres solitaires névrotiques enfermés dans leur cloche ruminant leurs obsessions
sa rose rouge celle qui donne un sens au temps qui s’écoule

il la laisse
derrière lui

il se sépare de lui-même pour aller vers un autre étrange incompréhensible effrayant par la mort qu’il porte en lui dans sa vie bien réglée ses gestes répétés
inertie du mouvement vide inertie de la conscience gelée inertie du souffle rétréci pour pas toucher à la grande douleur risquer de voir le sang de la trahison s’écouler de toute part entendre l’agonie du cœur lacéré effleurer la peau calcinée du désir ardent ravagé

il a retrouvé sa rose
sans elle l’amour est une cloche et l’élan de vie s’éteint

est-ce que tu peux arrêter avec ce putain de rôle de victime et prendre tes responsabilités ?!! est-ce que tu peux arrêter avec ce putain de rôle de victime et prendre tes responsabilités ?!! est-ce que tu peux arrêter avec ce putain de rôle de victime et prendre tes responsabilités ?!!

le vent se lève elle s’étire valse et s’arrête
enfant rit avec le vent elle l’entend
papillon blanc tombe du ciel
là-bas chuchote est-ce son nom qu’elle entend quel est son nom
elle est née dans un pot toute repliée à peine consciente
derrière le divan les yeux fermés elle se cache elle s’enroule sur elle-même
où sont ses racines
dans ses cheveux bâtons de pluie crépitent dans son feuillage le vent s’emmêle
la terre soupire
le temps des semances elle s’est évanouie dans la torpeur de ses nuits elle est tombée dans l’oubli
mouettes se moquent pie s’affole martinets tourbillonnent et fendent l’air en éclats de rire
est-elle un oiseau un oiseau sans âge et sans plumage un arbre sans racine s’enracine-t-il
oiseau blanc dans la sorgue passe et s’efface
au loin grondent les tambours bientôt le ciel noie son visage bientôt le ciel embrasse la terre bientôt plus d’empreinte sur le sable plus de craie sur le tableau
le rideau tombe il expire elle inspire entre deux vertiges et fulgurent un temps
est-ce le jour ou la nuit
à l’aube du crépuscule les ombres réveillent les esprits délavées
un cri
fend le silence traverse les octaves cisaille le morceau de nuit et martèle l’engourdi
yeux d’or la fixent griffes l’enserrent et s’envole
de ses orteils elle gratte la terre

tout autour ondule la voûte où elle est née l’éveil approche
est-ce la lune ou le soleil qui l’éclaire

sable me pose dans mon pied et regarde au loin
pied regarde mémoire de sable s’étire au-delà
pied devine sable recouvre l’invisible

sable ou songe
l’horloge toute déglinguée mesure son temps comme elle l’entend
à l’heure où les noctules patrouillent
je m’attardais dans l’oubli

à la frontière de ton ombre je glisse bascule
dans le ventre de la nuit dans la noirceur de son antre engloutie lestée du plomb incertain du silence

de cette nuit sans nom l’aube m’éveille me porte au demi-jour
je dis oui je dis non quelle importance
sable ou songe je donne ma langue au chat

j’ai traversé le tonnerre le rideau de grêle
vacarme étourdissant craque roule et se déchire
jour blanc se dilue liquide dans l’ombre furieuse du ciel au bout des doigts

plus un silence nulle part

et murmure murmure encore à contretemps murmure de braise qui n’ose se dire de chair et de vent qui n’ose se croire mais refuse de se taire

trou noir un œil dans l’univers diaphragme irisé contraction évidée

des trous noirs dans ma galaxie
avalent à la dérobée les espaces matriciels où je vais me réfugier
espaces volés déconnectés escamotés
contrainte à l’errance claustrée dans l’absence je m’y laisse tomber

les trous noirs sont-ils reliés entre eux comme des portails ouvrant sur des espaces clos
miroirs occultes de l’univers ultimes reflets d’une obscure réalité
une fois engagée la conscience même s’en trouve effacée

spaciophages chronophages gravitophages les trous noirs sont insatiables
parfois même ils s’en prennent à leurs pareils dans la frénésie binaire d’une danse macabre et risquent de faire basculer l’équilibre du vide et d’aspirer l’univers malencontreusement

par chance les trous noirs ont un goût particulier pour les cocottes les détournant un temps de leurs obsessions gloutonnes
par pliage et dépliage à l’infini ils réinventent inlassablement les innombrables combinaisons de l’origami

cocotte espace-temps le pliage est complexe

le résultat est d’une grâce à couper le souffle à suspendre le temps
le temps de la contempler se déployer à travers l’espace indéfini continuel
le vol de la cocotte d’une incroyable lenteur étire le temps minutieusement
elle ralentit sa course encore et encore pour finalement disparaître à son tour engloutie par le trou qui l’a vue naître

les mots sous le grain
troquent avec l’intime oubli
des vieux os enfouis

paresse du matin
les mots mâchouillent les ombres et
titubent à tâtons

laurier
e
pin
i
d
o
pommier
t
eucalyptus
roseau
arbre à soie

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